jeudi 28 janvier 2010

L'indécence

Ce qui se passe à Haïti me dégoûte complètement. Ces ruines, ces morts, ces blessés, ces amputés, tout ça est d’une tristesse sans nom. L’odieux dans tout ça, c’est l’empressement des bons journalistes à nous montrer ça de près, de très près et en odorama si c’était possible. Vite, il faut dépêcher les médias dans cette pauvre terre encore une fois dévastée par une tragédie. Raconter et montrer l’horreur. Parce qu’on sait tous que le bon peuple occidental, la tragédie, il ne veut pas la savoir, il veut la woèrr !

Avons-nous besoin d'être les voyeurs du drame de cette dame qui vient de se faire amputer la jambe ? Manise répond dignement aux questions de ce journaliste blanc venu témoigner de l’horreur. Elle pense au futur, à quel point sa vie sera changée dans ce pays déjà hypothéqué avant la catastrophe.

Je me sens mal quand je vois ça. Le malaise ne vient pas tant de mon impuissance mais de ce que j’appelle l’impérialisme de l’information. Les médias du monde entier se sont jetés sur Haïti comme la misère sur le pauvre monde, littéralement. Tous ces journalistes étrangers blancs qui sont à Haïti supposément pour communiquer le drame, que font-ils là sinon que de profiter d’une tragédie sans nom pour se faire du crédit ? « Oh, j’étais l’un des premiers journalistes canadiens à arriver à Port-au-Prince en janvier 2010 », « Moi, monsieur, j’ai vu l’horreur en direct et je l’ai montrée à la face du monde ». Ah oui, fort bien. Mais moi, la question que je me pose quand je vois Céline Galipeau, Émanuelle Latraverse, Jean-François Bélanger, Richard Latendresse, Félix Séguin et compagnie, est la suivante : où sont-ils logés, comment sont-ils nourris dans cet enfer qu’ils nous montrent en direct à tous les jours ? Manifestement, ils ne dorment pas dans les tentes improvisées faites de quelques pieux et morceaux de draps. Ils sont bien nourris et bien logés pour pouvoir chaque jour nous envoyer les images et les témoignages de ceux qui sont blessés, malades et sans logis depuis la catasptrophe.

Haïti est une terre brisée et damnée. Après les pilleurs espagnol et français, après un impérialisme politique qui a rongé les assises de cette terre de soleil, les tragédies naturelles des dernières années ont amené une autre tare : l’impérialisme dont font maintenant preuve les médias du monde entier.

Triste destin que celui de ce pays.